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PLUS QU'UN JEU, SON METIER: RIGGER

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Quand on lui demande d’expliquer son travail, encore très méconnu du grand public, Amandine se compare volontiers à une marionnettiste. Car son rôle, c’est de créer le squelette et les articulations des personnages de jeu vidéo, un travail essentiel pour que les animateurs puissent leur donner vie. Amandine nous a raconté les coulisses de son métier, et notamment sa technique secrète pour faire danser ses personnages et travailler leur souplesse.

Amandine, 27 ans, est depuis longtemps passionnée de dessin et d’animation. Après des études dans la conception graphique et publicitaire, elle a rejoint l’école Aries à Lyon pour une formation en 3D généraliste. C’est lors d’une présentation des différents métiers liés à sa formation qu’elle découvre le rigging, un métier qu’elle exerce désormais depuis deux ans chez Ubisoft.

Je suis... Rigger au Studio d'Ubisoft à Paris

J'aime : J’aime beaucoup le cinéma, et dernièrement La Fameuse Invasion des Ours en Sicile, un film d’animation très beau.

Je n'aime pas : Les films d’horreurs, même si ça se voit que c’est du chiqué, je déteste avoir peur !

LE MÉTIER DE RIGGER EST ASSEZ MÉCONNU AUPRÈS DU GRAND PUBLIC. POUR L’EXPLIQUER TU AIMES BIEN DIRE QUE TU ES UNE MARIONNETTISTE DES PERSONNAGES DE JEUX VIDÉO, TU NOUS RACONTES POURQUOI ?

AMANDINE PIELAWSKI - Dans l’équipe, en soutien à la direction technique, on est deux riggers. En fait, les characters artists font un peu les poupées de chiffon. Moi je m’occupe d’y ajouter les bouts de bois et les fils qui permettront aux animateurs de donner vie aux personnages. On met les jointures principales : un « os » pour le haut du bras, un autre pour le bas du bras, par exemple. En fin de compte, le personnage bouge de telle façon ou telle façon parce que le rigger lui permet de le faire, parce qu’il a placé un os et une articulation à tel endroit.

Et pour simuler les effets de muscles, on ajoute des « os » supplémentaires, des tuteurs en quelque sorte, qui vont tirer sur l’enveloppe du personnage, et permettre notamment que le biceps se gonfle quand il est sollicité.

COMMENT DEVIENT-ON RIGGER ? EXISTE-T-IL UN PARCOURS PARTICULIER À SUIVRE ?

A.P. - Je pense que la ligne directrice, c’est de vouloir créer quelque chose. Moi, je voulais donner vie à une création, avec des dessins. J’ai commencé par des études dans la publicité, la conception graphique, mais le milieu ne me plaisait pas du tout. Je suis partie dans une école supérieure à Lyon, qui s’appelait Aries à l’époque, pour suivre une formation en 3D généraliste. Au détour d’un cours, j’ai découvert le rigging, c’était un vrai coup de foudre, je me suis découvert une vraie passion pour l’aspect technique de l’animation, et la logique qu’il y a derrière. J’ai eu l’occasion de faire un stage dans le milieu du jeu vidéo, puis de décrocher mon premier contrat chez Quantic Dream, pour travailler sur Detroit : Become Human. J’étais déjà gameuse : plus jeune je jouais déjà à GTA : San Andreas ou encore Pikmin, et ça m’a vraiment plu de découvrir le milieu du jeu vidéo car il y a un challenge très différent de celui de l’animation. Dans un film, un dessin animé, tu n’es pas obligé de faire ce que tu ne vois pas. Dans un jeu vidéo, c’est du temps réel, il faut que ta création marche à 360° et tout le temps.

CONCRÈTEMENT, PEUX-TU NOUS PARLER DE TA JOURNÉE TYPE EN TANT QUE RIGGER ?

A.P. - C’est compliqué de répondre à cette question car les journées ne se ressemblent pas vraiment ! Mais il y a toujours une ligne directrice : on a une problématique, on veut que notre personnage bouge de telle ou telle façon. Je réalise des tests, je mets en place le squelette, et je fais des ajustements quand je le raccroche à l’enveloppe. Car un personnage masculin et un personnage féminin ne vont pas avoir exactement les mêmes caractéristiques, notamment au niveau du visage.

Il y a un vrai travail de communication avec mes collègues, aussi bien avec les animateurs que les chara artists. Parce que par exemple, si je fais en sorte qu’un personnage plie le bras, mais qu’il n’y a pas assez de matière, de « peau », pour suivre, le rendu va être étrange, très étiré. C’est comme si on dessinait sur une matière élastique et qu’on tirait dessus, le dessin n’aurait plus de sens. Donc je travaille avec les chara artists pour corriger ces aspects-là. Par chance, comme j’ai une formation généraliste, je connais mieux les besoins de mes collègues et je peux essayer de les anticiper.

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COMMENT T’ASSURES-TU QUE LES MOUVEMENTS, LES ARTICULATIONS DES PERSONNAGES, RESTENT RÉALISTES, SEMBLENT NATURELS ?

A.P. - Dès que je dois m’occuper d’un squelette, je m’inspire de ce que j’ai autour de moi. Si je dois faire un squelette qui implique l’usage d’un sac à dos, je vais d’abord porter moi-même un sac à dos, ou demander à un collègue de le faire, et observer les mouvements que l’on a avec, comment le corps réagit. Et une fois que j’ai mes squelettes, je fais faire une gym aux personnages avec des animations préenregistrées, pour tester les mouvements. S’il y a un souci, ça se voit immédiatement. J’aime bien tester les personnages dans une animation de danse dans une discothèque. C’est très drôle de voir un gros costaud comme Nomad (personnage principal de Ghost Recon : Breakpoint, NDR) danser avec son arme. Pour tester leur physique, je les fais danser !

QUEL A ÉTÉ TON PLUS GROS CHALLENGE JUSQUE-LÀ CHEZ UBISOFT ?

A.P. - Je pense que mon plus gros challenge a été de corriger chaque visage des personnages de Ghost Recon Breakpoint, et on en comptait plus de 150 ! En fait, on a une animation faciale de base, qui doit aussi bien coller aux visages masculins que féminins. Je devais donc les adapter pour que cela corresponde, aussi bien au niveau du genre que de la morphologie. Cela est déjà arrivé que, sur certains visages aux yeux plus petits, les paupières se fermaient trop et se retournaient sur elles-mêmes. Au niveau de la bouche aussi : il a fallu que je corrige les sourires, les bisous notamment, car la peau s’étirait beaucoup trop et ça faisait des lèvres trop grosses.

EST-CE QUE TU AS UN SOUVENIR MARQUANT DEPUIS QUE TU TRAVAILLES ICI ET QUE TU AS ENVIE DE NOUS PARTAGER ?

A.P. - Je me souviens du jour où je suis allé à Québec pour rencontrer l’équipe d’Assassin’s Creed Odyssey, et discuter avec eux des technologies qu’ils ont mis en place en termes de rigging, de la vision que l’on met en place chez Ubisoft à ce niveau. Et si on n’a pas tous les mêmes contraintes d’un jeu à un autre, d’un Studio à un autre, j’ai beaucoup aimé cette idée d’avoir un bloc commun, que l’on adapte en fonction de nos spécificités respectives. C’était vraiment plaisant pour moi que, trois mois à peine après mon arrivée, on m’envoie dans un autre Studio pour apprendre des choses. Et même si je suis encore un peu « novice » (cela fait deux ans que je suis chez Ubisoft), je peux apporter mon expertise sur le rig, mes connaissances, et proposer de nouvelles choses qui sont souvent mises en place. On m’a toujours permis de tester, expérimenter et je trouve ça vraiment cool. rigger caroussel2