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PLUS QU'UN JEU, SON METIER: CONCEPT ARTIST

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Originaire de Corée du Sud, Sunshine Kim a connu un parcours étonnant. Après avoir voyagé au Canada, au Japon et en Malaisie, elle a été engagée comme Concept Artist chez Ubisoft Montréal pour travailler sur Rainbow Six : Siege. Tout cela grâce à ses magnifiques fan arts, qu’elle publie en ligne depuis plusieurs années. Elle nous raconte son histoire et comment sa passion est devenue son travail.

Après avoir grandi en Corée du Sud, Sunshine part au Canada pour étudier l'animation. Après un passage au Japon et en Malaisie, où elle développe ses talents d'illustratrice, elle se spécialise dans le Concept Art, elle repart au Canada. Elle a rejoint officiellement Ubisoft Montréal en 2022.

COMMENT AS-TU COMMENCÉ À JOUER AUX JEUX VIDÉO, EN GRANDISSANT EN CORÉE ? QUEL TYPE DE JOUEUSE ES-TU ?

SUNSHINE KIM - Je suis de la vieille génération de la NES. J’avais 5 ou 6 ans quand ma mère m’a offert cette console avec Super Mario 3. Mais je n’avais le droit de jouer qu’une heure environ par jour, après avoir fait tous mes devoirs. Les jeux vidéo sont très populaires en Corée, mais les parents veulent que leurs enfants arrêtent de jouer une fois qu’ils sont « assez grands ». Ma mère m’a « convaincu » de vendre ma NES quand j’avais onze ans, et j’ai lentement perdu tout intérêt pour les jeux jusqu’au lycée. C’est là que j’ai découvert Warcraft III, puis, après avoir terminé le lycée, World of Warcraft, qui m’a vraiment pris beaucoup de temps au début de ma vingtaine. J’avais aussi l’habitude d’aller dans les salles d’arcade avec mes amis et de jouer à Tekken. Mais je n’étais pas bon, et ça me convenait, je n’étais pas un joueur de compétition, c’était juste pour le plaisir. Beaucoup de mes amis, par contre, jouaient à Warcraft de manière compétitive, parce que la compétition était déjà très populaire dans le pays. Ils fouillaient, étudiaient tout le jeu, faisaient une liste des objets dont ils avaient besoin, alors que moi je voyageais sur le continent et je prenais de jolies captures d’écran….. C’est là que j’ai trouvé ce que j’aimais.

COMMENT AS-TU DÉCOUVERT R6S ET POURQUOI CE JEU EST-IL DEVENU SI IMPORTANT POUR TOI ?

S.K. - Il y a un autre jeu que je n’ai pas mentionné, Call of Duty, que j’ai découvert alors que j’étudiais l’animation au Canada. C’est ce jeu qui m’a donné envie de travailler dans l’industrie du jeu vidéo. Parce qu’au début des années 2010, beaucoup de jeux essayaient de ressembler à des films, ils faisaient beaucoup d’efforts pour être réalistes. Je me demandais comment c’était fait, et j’ai commencé à lire et à étudier beaucoup de choses sur l’industrie du jeu vidéo en général. Et Call of Duty m’a vraiment donné envie de jouer à d’autres jeux de tir.

Un de mes amis m’a parlé de Rainbow Six : Siege, qui était sorti depuis un an, mais je n’y ai pas prêté attention au début. Mon ami m’a montré les illustrations des personnages de Siege pour me convaincre, et j’ai tout de suite été intéressée par les dessins des agents. Ce n’était pas 100% réaliste, il y avait de la place pour la fantaisie, mais ça fonctionnait, chaque personnage était unique. J’ai commencé à jouer mais je me faisais tuer assez rapidement à chaque fois au début. Ce n’était pas comme Call of Duty où l’on pouvait respawn. Mais j’ai continué, et mon premier kill avec R6 a été vraiment gratifiant, je n’avais jamais ressenti ce genre de satisfaction dans Call of Duty auparavant. Et j’ai voulu jouer encore. Et je n’ai jamais arrêté depuis, car je n’ai jamais trouvé un autre jeu aussi satisfaisant.

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TU AS MENTIONNÉ LE FAIT QUE TU ES VENUE AU CANADA POUR ÉTUDIER L’ANIMATION. POURQUOI AS-TU CHOISI CETTE VOIE ?

S.K. - Je suis allée à l’école à Toronto, dans un programme d’animation 2D. À l’époque, je voulais travailler dans le cinéma et l’animation, mais je ne savais pas exactement ce que je voulais faire, je ne connaissais pas grand-chose du secteur. J’avais tout juste 19 ans. J’aimais juste gribouiller, alors je me suis dit que je voulais être animatrice et j’ai décidé d’étudier davantage au Canada avec le soutien de mes parents. C’était fou qu’ils me laissent y aller seule. Mais il m’a fallu trois ans pour réaliser que je ne savais pas animer. Je n’aimais pas ça, ce n’était pas assez gratifiant. En même temps, je me passionnais de plus en plus pour la peinture, et je me suis dit que je pourrais explorer davantage ce domaine.

Et quand j’ai dû trouver un emploi, j’ai postulé à un tas d’emplois dans l’animation, dont un emploi de Concept Artist, même si je pensais que je n’étais pas prête. Mais un studio m’a contacté pour ce poste de Concept et de Painting. Je suis allée à l’entretien et j’ai appris qu’il s’agissait d’un projet Halo. Trois heures après l’entretien, j’ai reçu un e-mail avec une offre.

L’HISTOIRE DE TON RECRUTEMENT PAR UBISOFT MONTRÉAL EST ASSEZ FASCINANTE. PEUX-TU NOUS RACONTER COMMENT CELA S’EST PASSÉ ?

S.K. - Quand j’ai commencé à jouer à Rainbow Six, j’ai aussi commencé à peindre des fan arts sur les personnages du jeu. Et à un moment donné, je me suis rendue compte que beaucoup de développeur.euses d’Ubisoft me suivaient, ce qui m’a surprise. Certain.es d’entre eux m’ont contacté pour présenter mes fan arts lors d’événements de sport électronique. C’était un honneur pour moi. J’ai également eu l’occasion de concevoir des t-shirts pour le Paris Major et le Six Invitational.

Après avoir travaillé en Malaisie pendant un an et demi, je suis revenue au Canada, en attendant l’approbation de ma demande de résidence permanente. Puis le Covid est arrivé, et j’étais dans une phase où je ne savais pas ce qui allait se passer dans ma vie, surtout parce que je devais retourner en Corée. Mais un des Game Designer de Rainbow Six : Siege m’a envoyé un message, me demandant de lui envoyer le lien de mon portfolio. Je lui ai envoyé mon CV et mon portfolio, et deux semaines plus tard, j’ai reçu un courrier officiel des RH d’Ubisoft, m’annonçant qu’ils souhaitaient me rencontrer pour un poste de Concept Artist sur Rainbow Six : Siege. J’ai dû prendre du temps pour réaliser que c’était réel ! C’est à ce moment-là que les choses sont devenues un peu difficiles à cause du Covid et de ma demande de permis de résidence dans une autre province. Cela a compliqué mon recrutement, mais l’équipe voulait vraiment travailler avec moi, donc j’ai pu commencer à travailler depuis la Corée avant de revenir et de rejoindre officiellement le Studio.

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QUEL EST LE RÔLE D’UN CONCEPT ARTIST COMME TOI ? ET QUEL EST LE PROCESSUS DE CONCEPTION D’UN.E AGENT SUR UN JEU COMME RAINBOW SIX ?

S.K. - En fait, chaque saison, nous avons un.e nouvel.le agent à créer. Nous sommes trois Concept Artists à travailler sur cette partie du jeu, et nous nous relayons pour concevoir le personnage. Nous travaillons également sur les skins, les illustrations ou tout ce qui a trait à la dimension artistique du personnage.

En général, nous commençons notre travail par le gadget que l’agent utilisera dans le jeu. C’est un élément central de notre jeu et de chaque agent. Les Game Designers créent ce gadget et l’équipe de narration réalise un prototype de personnage qui utiliserait ce gadget : iels déterminent son pays, son genre, son âge et divers éléments biographiques de base. À partir de là, nous avons deux aspects à travailler en parallèle et qui se chevauchent. Les auteur.rices travaillent sur une biographie plus approfondie et de notre côté, nous commençons à faire des croquis, en veillant à discuter tous ensemble pour continuer à itérer sur le design jusqu’à ce qu’il soit approuvé et transmis aux AD Artists et 3D Animators.

QU’EST-CE QUI FAIT UN BON AGENT ? DE QUOI A-T-IEL BESOIN POUR AVOIR UN LOOK INTÉRESSANT ET DONNER ENVIE AUX JOUEURS DE JOUER AVEC IEL ?

S.K. - Certaines personnes ne prêtent pas vraiment attention à la bio du personnage, pour se concentrer sur ses compétences en jeu, et c’est très bien ainsi. Ce sont des joueur.euses porté.es sur le compétitif, et iels n’ont pas besoin de connaître ce genre d’informations, iels veulent savoir comment le gadget fonctionne. Mais je sais aussi qu’il y a un grand nombre de joueur.euses qui s’intéressent vraiment à l’histoire et au contexte de nos agents, surtout s’iels viennent de leur propre pays. Et je fais partie de ces gens, c’est comme ça que j’ai commencé à jouer à R6. Pour moi, un bon personnage doit correspondre visuellement à l’image de marque, à la fantaisie militaire du jeu. Le personnage doit avant tout ressembler à un soldat. Le gameplay, la narration et la direction artistique doivent parler le même langage pour créer un agent qui fonctionne et répond au lore du jeu.

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QUE PENSES-TU DU FAIT D’AVOIR COMMENCÉ PAR DES FAN ARTS POUR FINIR PAR CRÉER DES AGENTS POUR CE JEU QUE TU AIMES ?

S.K. - C’est bien plus qu’un simple travail pour moi, c’est quelque chose que j’aime vraiment chaque jour. Ça me passionne. Je m’intéresse au jeu, aux personnages, à l’imaginaire et à l’héritage que nous créons. Avant de rejoindre l’équipe, c’était déjà une grande partie de ma vie, et je sais que c’est une grande partie de la vie des fans, qui consacrent leur temps libre à parler et à créer des choses sur notre jeu. J’essaie de me rappeler ce qui m’a attiré en premier lieu, et c’est le fait que les agents ne sont pas des soldats avec un design générique, iels ont un élément de design unique. Et c’est quelque chose que je dois garder à l’esprit lorsque je travaille sur un concept.

Je reçois aussi souvent des messages de jeunes artistes qui veulent devenir des artistes conceptuels et me disent comment mon travail peut les inspirer. Iels me parlent de leurs histoires personnelles, de leurs espoirs, et c’est une vraie leçon d’humilité pour moi d’écouter leurs rêves. C’est aussi étrange pour moi, car je n’ai jamais pensé qu’on pouvait m’admirer, car je suis d’abord une fan ! Mais j’aime vraiment ces messages et j’espère qu’iels deviendront l’artiste qu’iels rêvent de devenir.